Un service obligatoire ne peut relever d’une forme d’engagement !
L’un des objectifs affichés du SNU est de renforcer la culture de l’engagement. Or nous devons rappeler que l’engagement ne peut qu’être volontaire. Il ne peut en aucun cas s’inscrire dans un cadre coercitif et assujetti à des sanctions. Il nous semble étonnant de devoir même rappeler cet élément de base et pour autant fondamental.
Un cadre militariste ne peut pas être éducatif
Le SNU se construit dans un cadre et une logique militariste. Effectivement G. Attal, secrétaire d’État, disait « il y aura une expérience qu’on peut rapprocher de la préparation militaire, mais sans maniement des armes. »(Le Parisien, le 16/06/2019 – version numérique)
En tant que mouvement d’éducation nous ne pouvons que nous opposer à cette logique militariste qui ne peut se référer à des objectifs éducatifs, d’ouverture et d’engagement. Son caractère militariste ne peut en aucun cas être nié et s’inscrit à travers plusieurs symboles : la moitié de l’encadrement est constitué par des militaires ; la levée du drapeau ; l’uniforme, réveil à 6h00 et « extinction des feux » à 22h30… Cette logique d’intervention ne permet pas de construire un espace de réflexion collectif, de créer les conditions d’émancipation et de réfléchir aux fondements de notre société, d’avancer autour des enjeux de « citoyenneté » soit de comprendre le monde qui nous entoure et de renforcer ses capacités pour agir dessus…
Le SNU s’est construit sur un socle de fausses idées
► On nous parle de mixité sociale. Au-delà des débats autour de ce principe (devons nous renforcer la mixité sociale ou défendre l’égalité ?, ou encore agir simultanément sur ces deux objectifs ?) ; cet objectif dans le cadre du SNU est assez absurde. Les 15 jours de la phase 1 permettrait une mixité sociale alors que l’école n’y arriverait pas en 15 ans ! Dans ce cas ne serait-il pas plus intéressant de répondre aux raisons de cet échec (pédagogie sociale dans les écoles, cartes scolaires…) ?
► Les jeunes ne s’engagent plus. Ces discours critiques et récurrents sur les jeunes ont toujours existé.
• « Notre monde a atteint un stade critique. Les enfants n’écoutent plus leurs parents. La fin du monde ne peut pas être loin. » (Un prêtre égyptien, 2000 avant J.-C.)
• « Cette jeunesse est pourrie depuis le fond du cœur. Les jeunes gens sont malfaisants et paresseux. Ils ne seront jamais comme la jeunesse d’autrefois. Ceux d’aujourd’hui ne seront pas capables de maintenir notre culture » (Découvert sur une poterie d’argile dans les ruines de Babylone, au moins 1000 avant J.-C.)
• « Le père redoute ses enfants, le fils s’estime l’égal de son père et n’a pour ses parents ni respect, ni crainte. Ce qu’il veut, c’est être libre. Le professeur a peur de ses élèves. Les élèves couvrent d’insultes le professeur. Les jeunes veulent tout de suite la place des aînés ; les aînés, pour ne pas paraître retardataires ou despotiques, consentent à cette démission. Et couronnant le tout, au nom de la liberté ou de l’égalité, l’affranchissement des sexes... » (Platon, 427-347 avant J.-C.)….
En quoi les jeunes s’engageraient moins qu’il y a 10, 20, 40, 100 ans… Sur quoi, sur quelles études scientifiques nous nous appuyons pour affirmer cela ! Ne sommes nous pas sur la représentation classique de personnes nostalgiques de leurs propres passés et incapables d’appréhender les évolutions sociétales ?
► La phase 1 du SNU permet de faire vivre une expérience de départ et d’internat ! A la lecture de cet argument on croit rêver : mais dans ce cas favorisons les départs en internat pendant les années scolaires ! Dans un parcours d’enfant, rendons obligatoire au moins un départ en classe transplantée pendant l’école élémentaire, un départ en Europe pendant le collège et hors Europe pendant les années lycées !
Le SNU est un gouffre financier !
Le SNU va absorber des moyens financiers très importants au détriment d’une politique jeunesse globale. On parle aujourd’hui de 1,8 milliard par an.
Il convient de constater à la fois l’énormité de cette somme. Le budget jeunesse, sport et vie associative pesait 729 millions d’euros en 2017 ; avec près de 240 millions d’euros sur la jeunesse. 1,8 milliards va donc nécessiter une augmentation du budget et de fait au détriment des autres politiques jeunesses (international, centres de vacances, politique de la ville…)
Il convient de constater que ce coût est sous-estimé. Le premier surcoût va se situer sur l’hébergement car la France n’a plus la capacité d’héberger toute une génération sur des périodes rapprochées tous les ans. Effectivement les casernes ont été progressivement détruites suite à l’arrêt du service national en 1995 et l’État lui même n’a pas les moyens autonomes d’organiser cet hébergement. Il est aussi à craindre des coûts supplémentaires avec une phase 2 qui n’est pas budgétée et s’appuie simplement sur l’engagement gratuit des associations.
Que faire ?
Il convient d’agir autour de plusieurs axes :
- Travailler avec nos partenaires de l’éducation populaire pour débattre de ce projet et construire un front d’opposition plus fort.
- Alerter les politiques autour de ce projet pour qu’il soit annulé et en faire l’objet de débats, notamment pendant les élections présidentielles de 2022.
- Informer les jeunes, réfléchir et soutenir toutes actions allant vers le retrait de ce projet (communication, manifestation, objection de conscience…)…
- Étudier avec d’autres la validité juridique d’un tel dispositif. Comment imposer ce dispositif à tous les mineurs de France alors que l’école elle-même n’est pas obligatoire ?