Dès leur création en 1937, les Ceméa par leurs références à l’Éducation Nouvelle et par leurs actions pédagogiques, défendent et revendiquent une construction pacifiste des pays et des peuples, liée aux mouvements internationalistes.
L’histoire des Ceméa s’inscrit dans le combat contre les horreurs des deux guerres mondiales, avec la volonté de lutter au quotidien pour l’émancipation de chacun et de participer à la construction d’un monde solidaire. Cette histoire est aussi celle d’un engagement sans faille pour la démocratie, une démocratie accueillante à toutes et tous et soucieuse de justice sociale. Quelques années après la Libération, la création du secteur des équipes de santé mentale des Ceméa s’est fondée sur la dénonciation des univers concentrationnaires et la nécessité de lutter contre toutes les formes d’enfermement. Les Ceméa sont intervenus, depuis leur création, en France et dans le monde, tout au long des crises et des conflits, contre toutes les formes d’obscurantisme et d’aliénation.
La guerre en Ukraine déclenchée le 24 février par la Russie oblige à rappeler cette position, celle de l’Éducation Nouvelle lors du congrès de Calais en 1921 du « plus jamais la guerre » après le premier conflit de 1914, celle du refus de l’anéantissement d’un peuple pour satisfaire les velléités expansionnistes d’un pouvoir quel qu’il soit, celle de l’éducation à la paix, celle de l’éducation avant tout.
Car la guerre, c’est l’abandon de l’éducation, c’est la négation de l’autre. Les mensonges des discours remplacent les lectures de la complexité historique. Il est nécessaire de ne pas oublier que la vérité est une des premières victimes de la guerre.
Les valeurs de démocratie, de solidarité, de fraternité et de laïcité sont le socle de chacune des formations et actions des Ceméa. Elles s’expriment dans les rencontres des personnes par les échanges culturels et le respect des différences. À juste titre, le communiqué de la FICEMEA du 25 février dernier, rappelle les relations précieuses et les travaux conséquents avec deux associations ukrainienne et russe et ce, de longue date.
Seules les relations pacifiques permettent les croisements des intelligences, des identités, des langues et des histoires des humains. Les coopérations peuvent alors s’imaginer et se concrétiser.
Après la pandémie qui a occupé les corps et les esprits, fragilisé la capacité à s’ouvrir au monde et exacerbé les positions de repli, cette irruption d’un conflit dont nous avions oublié en Europe la possibilité, nous plonge dans la sidération et la peur.
La situation actuelle est inédite et ô combien perturbante, pour preuve les interrogations incessantes des enfants et adolescents à l’école, de la maternelle au lycée. Quand les discours dominants, les images des chaînes d’information en continu et les réseaux sociaux, déversent un flot d’analyses partielles, partiales et simplificatrices, il est indispensable de rappeler l’impasse des propos binaires d’un point de vue ou d’un autre, les responsabilités et les lâchetés trop souvent tues.
La solidarité au peuple ukrainien qui fuit son pays est la priorité du moment, mais aussi la solidarité et l’attention au peuple russe pour une large part muselé ou empêché de connaître la réalité des événements. L’accueil des réfugiés ukrainiens doit s’organiser au mieux et les Ceméa y prendront naturellement leur part. Mais il ne peut être question d’établir la moindre hiérarchisation entre les différents demandeurs d’asile selon leur origine : d’où que l’on vienne, où que l’on soit né, tout être humain doit bénéficier de l’hospitalité.
Et, s’il faut rester mobilisé sur la situation ukrainienne, il ne s’agit pas que l’émotion légitime qu’elle suscite fasse oublier les autres terrains où, dans le monde, des peuples souffrent sous le joug de dictateurs ou victimes de politiques inhumaines.
Dans ce contexte, l’urgence de l’éducation est encore plus grande. Dans tous nos gestes, dans toutes nos actions éducatives, nous pouvons faire gagner la rencontre sereine et la solidarité entre les humains sur toutes les formes de violence. Partout, nous devons rester déterminés et nous mobiliser contre toutes les formes de domination et d’aliénation. Plus que jamais, nous sommes convaincus que « tout ce qui travaille au développement de la culture, travaille aussi contre la guerre » et nous nous engageons, avec tous ceux et toutes celles qui partagent nos valeurs, pour un monde plus humain, plus démocratique et plus juste.
Paris, le 14 mars 2022.